Partout en France, des agriculteurs biologiques ont exprimé en début d'année leur exaspération d'attendre, en vain, des aides dues depuis deux, trois, parfois quatre ans. Certains ont même attaqué l'État en justice. Cette situation nationale cache des disparités régionales. Mais la Bourgogne-Franche-Comté, et donc, la Nièvre, n'ont pas été épargnées.
Président du Groupement des agriculteurs biologiques de la Nièvre (Gabni) et lui-même éleveur bio de vaches, moutons et chevaux à Poil, Xavier Niaux date la source du problème à 2014-2015. C'est-à-dire la mise en application du plan “Ambition bio” de Stéphane Le Foll, alors ministre de l'Agriculture : un vaste plan national pour financer le développement de l'agriculture biologique en France. Selon Xavier Niaux, non seulement les aides ne sont pas arrivées à temps, mais en plus, elles ont été plafonnées à des montants insuffisants.
L'enveloppe d'aides sous-évaluée, selon le Gabni
« À l'époque, une étude de l'Observatoire régional de l'agriculture biologique avait envisagé entre 12.000 et 15.000 hectares de conversion bio chaque année en Bourgogne-Franche-Comté, soit environ 800 nouvelles exploitations », explique-t-il. « Mais la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) a estimé que c'était beaucoup trop optimiste et qu'il n'y aurait que 6.000 hectares de conversion en moyenne. La Région, autorité de gestion des fonds Feader, c'est-à-dire des aides versées à l'agriculture, s'est basée sur les estimations de la Draaf, sans écouter celles de la filière bio. »
Selon le président du Gabni, l'enveloppe allouée au départ a donc été très sous-évaluée. Car les conversions d'exploitations biologiques ont suivi un rythme conforme aux annonces de l'Observatoire régional de la bio : plus de 16.000 hectares en 2016 et autant en 2017.
La croissance du nombre d'exploitations bio dans la Nièvre
« Le plan Ambition bio a eu un vrai effet », reprend Xavier Niaux. « Dans la Nièvre, il y a eu une soixantaine de nouvelles fermes bio entre 2015 et 2018. Mais l'administration n'a pas suivi. Quelle entreprise accepterait de subir un dysfonctionnement informatique pendant trois ans sans réagir ? Le problème est plus large. Nous ne sentons pas de réelle volonté politique de favoriser la bio ».
En justice. Le Groupement des agriculteurs biologiques de la Nièvre (Gabni) conteste l'arrêté du préfet de Région du 26 juillet 2016. Cet arrêté fixait un nouveau plafond pour les aides à la filière bio en Bourgogne-Franche-Comté, de manière rétroactive. Un « excès de pouvoir », selon le Gabni, qui estime cette rétroactivité illégale. L'association a d'abord demandé à la préfecture l'abrogation de cet arrêté, par un recours gracieux, en août 2016. Devant l'absence de réponse, le Gabni a déposé un recours contentieux au tribunal administratif de Dijon. Aucun jugement n'a été rendu pour l'heure.